Toute passion abolie


Vita Sackville-West


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4e de couverture :



"En un éclair lady Slane sentit que le puzzle éclaté de ses souvenirs venait de se reconstituer, comme le font des notes de musique éparpillées qui prennent soudain forme et redeviennent cette mélodie familière que nous portons en nous. Elle se retrouva sur la terrasse de la villa indienne désertée
[...]
où seuls quelques nuages de terre poudreuse s'élevant dans les airs indiquaient la direction d'Agra. Elle appuyait ses bras sur le parapet brûlant, faisant pivoter lentement son ombrelle. En fait, elle se tenait ainsi pour dissimuler son trouble car elle venait de se retrouver à l'écart de tous avec ce jeune homme à ses côtés."


Le jour même de la mort de son mari Henry Holland, comte de Slane, lady Slane décide de vivre enfin sa vie.
Elle a quatre-vingt-huit ans. 
Lady Slane surprend alors son entourage en se retirant à Hampstead, dans une petite maison aperçue une seule fois, et aimée aussitôt, trente ans auparavant. Dans sa nouvelle demeure, toute passion abolie par l'âge et le choix du détachement - elle a pris soin de prévenir ses enfants : plus de visites familiales -, lady Slane se sent libre enfin de se souvenir et de rêver.


Mon avis :


Le saviez-vous ?

Vita Sackville-West a non seulement été publié par Léonard Woolf, l'époux de Virginia Woolf, mais a aussi vécu une grande histoire d'amour avec cette dernière.

Il serait, bien sûr, injuste de cantonner Vita Sackville-West à cette passion. 

Toute passion abolie est le premier roman que je lis de cette grande dame de la littérature anglaise : elle a écrit des romans, des poèmes, des essais et des biographies.

J'ai beaucoup aimé ce roman, qui est divisé en trois parties.
Dans la première partie, nous découvrons les enfants de Lady Slane, qui, après la mort de leur père, se demandent que faire de leur mère.
Et nous ressentons toute l'hypocrisie dans leur discussion.
Ils décrivent leur mère comme une femme effacée ayant toujours dit oui à tout et sans véritable opinion personnelle.
Mais voilà, à 88 ans, cette femme effacée va surprendre ses enfants et décider, seule, de vivre dans une petite maison aperçue trente années plus tôt.
Elle va, en plus, faire comprendre à ses enfants qu'elle n'a plus besoin de leurs visites mais seulement besoin de solitude et de temps pour elle, loin de la société et de la bourgeoisie anglaise.

Dans la deuxième partie du roman, nous retrouvons lady Slane repensant à sa vie passée : de sa vie de jaune fille à aujourd'hui en passant par son mariage.
C'est, pour moi, la plus jolie partie du roman. J'ai eu un véritable coup de cœur pour cette partie. Lady Slane a une vision très juste de sa vie telle qu'elle s'est déroulée et se retrouve elle-même.
Et si Lady Slane se dit non féministe, ce roman et cette deuxième partie est pour moi un véritable manifeste pour le féminisme.

"Et si Henry, rentrant un soir, trouvait la porte fermée? Impensable ! Impensable qu'Henry, à court d'encre ou de papier à lettres, fasse irruption, déjà agacé, pour s'entendre dire en plus que Mme Holland était occupée avec son modèle. Impensable qu'Henry, nommé gouverneur dans quelque lointaine colonie, se voie annoncer que, dommage, le professeur de dessin retenait Mme Holland à Londres. Impensable qu'Henry, voulant un autre fils, apprenne qu'elle s'était justement lancée dans de nouvelles études. Dans ce monde si conformiste, il lui était impossible de réclamer des droits égaux à ceux d'Henry. Le mariage n'avait pas été conçu pour de tels privilèges."

Car Lady Slane, avant d'épouser Henry, avait elle-aussi ses propres rêves : devenir peintre.

Je trouve la troisième partie du roman, un peu en-dessous des deux précédentes parties. Lady Slane parle un peu plus de sa vie à des personnages de son entourage et montre que même si elle peut avoir quelques regrets, elle se refuse à s’appesantir sur son sort et à dire que sa vie fut une tragédie.

Je trouve vraiment que le personnage de Lady Slane est un personnage fort de la littérature : une femme qui assume son parcours et sait qu'il aurait pu être différent. Un personnage à la fois introspectif et  prospectif.
Un personnage qui voit ses enfants tels qu'ils sont. Et son époux tel qu'il était.
Un personnage définitivement moderne.

Et un roman coup de cœur pour moi !







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